Texte « Bulles revivifiantes »

Samedi 9 juin 2023

La journée a commencé au pied du mur, par un bouquet de coquelicots, invité du trottoir, pour s’égarer jusqu’à la rêverie plane de la Loire, sillonnée ça et là par des bateaux aux avancées glissées
La douceur de l’air allait avec la flânerie.

En dedans, de-ci, de-là, des bulles aux bulbes bourgeonnant d’ébullition labiles, écloses dans la pénombre des maisons, nées de l’alchimie subtile des akènes germés autant des cerveaux que de l’air plein,s’apprêtaient à planer au-dessus du village ville, semences lancées au vent des esprits curieux.

Cela commença dans la géométrie cubique de l’atelier cerveau par une valse à deux. Vaste valse dans le tourbillon des eaux-mères,

Valse en noir et blanc,

Valse tourbillonnante sous le regard des étoiles,

Valse ronde des galets dans l’effondrement des cataractes liquides,

Valse ininterrompue du roulis des eaux où les pierres opèrent de secrètes et mystérieuses migrations,

Valse futile et grandiose du stylo sur l’envers des feuilles,

Point nodal du roulis du ventre de l’Océan quand le stylo ombilic dessine ses humeurs,

Centre et espace à la fois.

Oubli de soi dans le hasard nécessaire d’un temps oublié, perdu dans l’immensité de l’horizon et dans la verticalité têtue des containers, avec l’océan comme plancher incertain et la voûte étoilée comme athanor mystique où versent les âmes inspirées dans la fusion dansée de l’instant.

Expérience dévoilée qui ravissent les âmes amoureuses du grand Tout, qui lave le regard de ceux qui savent voir.
Nous, comme un troupeau placide, suivons notre guide par les rues soleilleuses.

Deuxième arrêt.

Le bus à l’arrêt attend ses passagers de passage.

Il offre son ombre citadine à l’anonymat du chacun pour soi.

Refuge et image de l’errance, il devient le confident de ces routes qui ne finissent pas

La voix de l’un devient la voix de l’autre et la musique,devient voyage au long cours.

La route est un creuset d’épines où s’écorchent les âmes.

L’ignominie côtoie la sûre sagesse, le désespoir se nie devant l’âpreté viscérale de la vie,

La saveur ineffable de l’amitié exhale un parfum que rien ne peut faire oublier, tandis que la honte, tapie sous les monceaux d’égoïsme de nos cités repues, alourdit les corps et obscurcit les esprits.

Les larmes creusent des sillons où se réfugient les cris silencieux des honnis, dans le lit des notes qui racontent sans mots ce que des hommes vivent dans l’exil ; là où vibre l’écho de nos demeures désertées où le poète nous appelle.

L’ombre s’obscurcit.

Notre pérégrination nous amène dans l’antre frais d’un troubadour bricoleur. Nous nous y rafraîchissons au gré de ses inventions.

Entre mémoires retrouvées et bric-à-brac, les objets se réinventent.

Le vélo devient convoi exceptionnel sous les yeux ébahis des passants nantais,

Les bambous deviennent mas ancrés dans le sol ou matures de radeau,

Les vieilles chambres à air reprennent leurs lettres de noblesse

Et la cartouchière se remplit de feutres colorés.

Le paysage peint laisse entrapercevoir sa profondeur,

Magnifiée par l’allégresse luxuriante,

Les marques blanches des scotchs,

Kintsugi merveilleux,

Parlent d’équilibre et de fragilité,

Et nous renvoient à la profondeur.

, règne l’amour véritable,

Celui qui donne sans attendre,

Celui qui reçoit en toute grâce et donne sans compter.

Là est le royaume du Cercle.

La pause méridienne dépassée, nous retrouvons la clarté du soleil.

Dans l’ombre accueillante du jardin, les commensales se jaugent ou se livrent…

Une fois les frugales agapes grappillées, nous retrouvons le fil de notre odyssée d’un jour.

Elle nous entraîne au règne des plastiques ; mots balles,peau d’un facétieux jongleur,

Ballots sur la terre estropiée,

Ecume des cauchemars versée sous le ciel gris,

Pléthore de matières imputrescibles,

Laisse monstrueuse sous l’œil torve du soleil,

Poésie mortifère de nos soifs dévoreuses.

Dégoût ou poésie ?

Poésie ou dégoût ?

Le voyageur sait.

Fidèles à notre guide qui trace le chemin, nous reprenons nos pérégrinations et pénétrons dans l’arène grandiose d’un théâtre où être vus.

J’y plonge au cœur d’un chœur de visages d’hommes et de femmes à la peau luisante, aux épaules dénudées et au regard franc.

Impression forte d’être là, captée dans ce faisceau de regards intenses,

Seule au milieu de ce maelstrom, je suis l’appelée.

J’y puise un sentiment de communauté,

Me baigne dans l’eau lustrale, là où se noue l’alliance.

De petites griffures apparaissent sur les fronts.

Minuscules marques, estampilles solennelles etdérisoires pour qui ne sait pas lire dans les regards.

Beauté et présence des corps nus.

La prochaine bulle est un duo solaire joué sur des toiles partagées,

Entre anges et démons la mort rôde, souveraine ultime au jeu des destinées.

Vanité rappelée sous l’œil vivifiant du soleil.

Dans le labyrinthe des rues et ruelles,

L’intime s’affiche  impudemment sur les murs en larges taches de couleurs et en mots chuchotés.

Carte postale sonore adressée aux cocons des façadesqui disent la douceur âpre d’être ici.

Et comme dernière escale,  

Un petit duo à trois et quatre pour tromper l’assise de notre ennui bourgeois.

Pentes vertigineuses de nos petites mesquineries condescendantes,

De nos petites rancœurs inavouées sous le vernis policé du quant-à-soi,

Envers du miroir drolatique et désespérée de nos amitiés frelatées et parfaites,

Dialogue à la vie à la mort.

Ironie questionnée des mondes se télescopant,résidants aux antipodes.

Pulsations douces-amères.

BULLES revivifiantes

Texte dédié à Sylvia – et à son ami Pierre – et hommage à tous les artistes et œuvres rencontrés ou croisés, lors des DUO du samedi 10 juin 2023.

Marie-Pierre

O petits d’hommes la beauté des artistes rafraîchit le monde comme une pluie bienfaitrice rafraîchit les plantes quand la terre est asséchée.